Triple meurtre à Montréal: quand le système de santé mentale abandonne les familles
L'histoire d'Arthur Galarneau nous confronte à une réalité troublante: celle d'un système de santé mentale qui laisse tomber les familles québécoises au moment où elles en ont le plus besoin. Le 17 mars 2023, ce jeune Montréalais de 25 ans a tué sa mère Mylène Gingras, son père Richard Galarneau et sa grand-mère Francine Gingras-Boucher dans un accès de violence inouïe.
Cent trente-sept coups de couteau à sa mère. Une trentaine à son père et à sa grand-mère. Des chiffres qui glacent le sang et qui témoignent de l'ampleur de la détresse psychologique d'un jeune homme abandonné par un système défaillant.
Un cri d'alarme ignoré
"Appelez une ambulance. Mon fils veut me tuer!", hurle Mylène Gingras au 911. Ces mots résonnent comme un terrible constat d'échec. Quatre jours avant le drame, cette mère inquiète avait contacté une clinique pour signaler la "dégradation" de l'état mental de son fils. Arthur parlait "de choses bizarres, de Dieu, de Satan et de Troisième Guerre mondiale".
La veille des meurtres, Mylène Gingras avait même envoyé des documents à une travailleuse de la santé pour demander une évaluation psychiatrique. Mais le système a failli. Selon le rapport du psychiatre Gilles Chamberland, la travailleuse sociale aurait dit au père que "c'était très long avant d'obtenir des ordonnances de la Cour et qu'on ne pouvait rien, sauf le provoquer à faire une crise pour qu'il entre dans le système".
Cette révélation est accablante. Elle illustre parfaitement les lacunes de notre système de santé mentale, qui force les familles à attendre qu'une tragédie survienne avant d'agir.
La schizophrénie, cette maladie incomprise
Arthur Galarneau souffre de schizophrénie depuis plusieurs années. Au moment des faits, selon le Dr Chamberland, il avait des idées délirantes, des hallucinations et des symptômes psychotiques qui l'empêchaient de discerner le bien du mal.
"Il avait un magma d'idées. Il n'y a rien qui tient. Rien. Rien. Même pour lui, c'était illogique", explique le psychiatre. Cette description nous rappelle que la maladie mentale n'est pas un choix, mais une réalité médicale complexe qui nécessite une prise en charge appropriée.
Les premiers symptômes psychotiques d'Arthur sont apparus vers l'âge de 16 ans, notamment un "délire d'infestation parasitaire". Il avait été hospitalisé en avril 2021 après des comportements agressifs. Malgré un diagnostic et un traitement, sa condition s'est détériorée en 2022 quand il a augmenté sa consommation de cannabis et négligé sa médication.
Un verdict attendu, des questions qui demeurent
La Couronne et la défense s'entendent: Arthur Galarneau doit être déclaré non criminellement responsable en raison de ses troubles mentaux. Le tribunal ira probablement en ce sens en janvier prochain. C'est la bonne décision, mais elle ne répare rien.
Cette tragédie soulève des questions fondamentales sur notre approche collective de la santé mentale. Comment peut-on accepter qu'une famille doive "provoquer une crise" pour obtenir de l'aide? Comment peut-on tolérer que les délais d'attente pour une évaluation psychiatrique soient si longs qu'ils mettent des vies en danger?
Le Québec se targue d'avoir un système de santé public accessible à tous. Mais force est de constater que ce système abandonne trop souvent les personnes les plus vulnérables et leurs proches. Il est temps d'investir massivement dans les services de santé mentale, de former davantage de professionnels et de créer des mécanismes d'intervention rapide.
Mylène Gingras, Richard Galarneau et Francine Gingras-Boucher sont morts parce que notre société n'a pas su protéger leur fils et petit-fils. Leur mémoire mérite mieux qu'un simple constat d'échec. Elle mérite un changement profond de nos priorités collectives.