Triple meurtre à Montréal: quand le système de santé mentale nous laisse tomber
Arthur Galarneau a tué sa mère, son père et sa grand-mère le 17 mars 2023. Un drame qui soulève des questions troublantes sur l'accès aux soins psychiatriques au Québec.
L'atmosphère était lourde mercredi dans la salle bondée du palais de justice de Montréal à l'ouverture du procès d'Arthur Galarneau. Des personnes ont dû sortir lorsque la procureure de la Couronne a décrit toute l'horreur de ce triple meurtre qui a secoué la métropole.
Ce jour-là, le jeune homme a donné environ 200 coups de couteau à ses victimes: Mylène Gingras et Richard Galarneau, ses parents, ainsi que sa grand-mère Francine Gingras-Boucher. Cent trente-sept coups pour sa mère seulement, qui présentait 81 plaies de défense.
Un système qui abandonne les familles
Ce qui bouleverse le plus dans cette tragédie, c'est l'impuissance des proches face à la détérioration de l'état mental d'Arthur. Quatre jours avant le drame, sa mère avait communiqué avec une clinique en raison de la «dégradation» de son état. Il parlait «de choses bizarres, de Dieu, de Satan et de Troisième Guerre mondiale».
La veille des meurtres, Mylène Gingras avait même envoyé des documents pour une demande d'évaluation psychiatrique. Mais selon le témoignage rapporté, une travailleuse sociale aurait dit au père que «c'était très long avant d'obtenir des ordonnances de la Cour et qu'on ne pouvait rien, sauf le provoquer à faire une crise pour qu'il entre dans le système».
Voilà bien le drame de notre système de santé: il faut attendre la catastrophe pour agir.
«Mon fils veut me tuer!»
«Appelez une ambulance. Mon fils veut me tuer!», hurle Mylène Gingras au 911. Les premiers policiers arrivent sur une scène d'horreur: Arthur Galarneau est en train de poignarder sa mère dans l'appartement de la rue Bélanger.
«C'est beau, c'est beau, j'ai fini», lâche-t-il, ensanglanté, en sortant de l'immeuble. Les policiers peinent à le maîtriser. Il parle du diable, du démon et crie le nom de sa mère.
Une maladie incomprise
Selon le psychiatre Gilles Chamberland, Arthur Galarneau souffre de schizophrénie depuis plusieurs années. Au moment des faits, il avait des idées délirantes, des hallucinations et des symptômes psychotiques qui l'empêchaient de discerner le bien du mal.
«Il avait un magma d'idées. Il n'y a rien qui tient. Rien. Rien. Même pour lui, c'était illogique», a résumé le Dr Chamberland.
Les symptômes remontent à l'adolescence. À 16 ans, Arthur développe un «délire d'infestation parasitaire» et fait une «fixation obsessionnelle» sur les parasites. Hospitalisé en 2021 après des comportements agressifs, il reçoit un diagnostic de premier épisode psychotique.
Bien qu'il consomme du cannabis quotidiennement depuis l'âge de 16 ans, le psychiatre précise que ses symptômes psychotiques ne sont pas causés par cette consommation: «Il ne consomme plus et il est encore malade. Il a encore besoin d'une grosse médication.»
Non criminellement responsable
La Couronne et la défense s'entendent: Arthur Galarneau doit être déclaré non criminellement responsable en raison de ses troubles mentaux. Le Tribunal ira probablement en ce sens en janvier prochain.
Cette décision, bien que juridiquement appropriée, ne peut effacer la tragédie vécue par cette famille qui tentait désespérément d'aider leur proche. Elle souligne surtout les lacunes criantes de notre système de santé mentale, qui laisse trop souvent les familles seules face à des situations impossibles.
Le dossier se poursuit ce jeudi. La Couronne souhaite faire déclarer Arthur Galarneau «accusé à haut risque» pour limiter ses sorties de l'institut psychiatrique.