La honte comme arme politique : quand nos élus attaquent la culture québécoise
Cette semaine, le mot « honte » a résonné dans nos institutions politiques avec une intensité particulière. Deux figures de proue de la politique québécoise, François Legault et Paul St-Pierre Plamondon, ont tour à tour brandi ce terme lourd de sens, révélant les tensions qui traversent notre société.
Marc Miller dans la ligne de mire
Tout a commencé avec les déclarations de Marc Miller, fraîchement nommé ministre de l'Identité et de la Culture canadiennes. Le député fédéral de Ville-Marie-Le Sud-Ouest-Île-des-Sœurs a eu l'audace de relativiser le déclin du français, évoquant les acquis de la loi 101 et l'accord Canada-Québec sur l'immigration francophone.
Mais c'est surtout cette phrase qui a mis le feu aux poudres : « Comme Québécois, je suis assez tanné de ce débat qui est généralement identitaire. »
François Legault n'a pas tardé à réagir avec sa fougue habituelle : « Marc Miller, c'est une honte pour tous les Québécois. Je ne sais pas comment il va faire pour se présenter dans une activité culturelle au Québec après avoir dit des conneries comme ça. »
PSPP s'attaque au milieu culturel
Mais voilà que le chef du Parti québécois a choisi une cible inattendue : non pas Miller lui-même, mais bien le milieu culturel québécois. Dans une sortie particulièrement virulente, Paul St-Pierre Plamondon a dénoncé ce qu'il perçoit comme de l'aplaventrisme de la part des organismes culturels.
« La vacuité intellectuelle et l'aplaventrisme d'une partie substantielle du milieu culturel québécois sont franchement gênants, j'ai honte », a-t-il déclaré, reprochant aux porte-parole culturels d'avoir réservé un accueil trop chaleureux au nouveau ministre fédéral.
Une double mesure troublante
Cette charge surprend d'autant plus qu'une semaine plus tôt, le même PSPP prônait la politesse et le décorum, reprochant à Magali Picard de la FTQ son ton trop combatif face au gouvernement Legault. Comment expliquer cette incohérence ?
D'un côté, on demande aux syndicats de baisser le ton face au pouvoir politique. De l'autre, on fustige les organismes culturels pour avoir fait preuve de courtoisie envers un ministre fédéral. Cette double mesure interroge sur la cohérence du discours péquiste.
L'exemple de Pierre Falardeau
L'histoire nous enseigne pourtant que la réalité est plus nuancée. Pierre Falardeau, figure emblématique du cinéma indépendantiste québécois, a bénéficié du financement fédéral de Téléfilm pour plusieurs de ses œuvres engagées. Personne n'a jamais remis en question son intégrité artistique ou politique pour autant.
Comme le rappelait Bernadette Payeur, sa productrice : « Téléfilm a mis de l'argent dans la plupart des films de Falardeau. Tandis que, pendant 10 ans, la SODEC et son ancêtre, la SOGIC, n'y ont pas mis un sou. »
La survie des créateurs québécois
Au Québec, les créateurs et créatrices doivent naviguer dans un écosystème complexe de subventions pour survivre et créer. Les organismes culturels qui les représentent font de même, jonglant entre différents paliers de gouvernement pour défendre leurs intérêts.
Insinuer qu'une simple politesse envers un ministre équivaut à une trahison des valeurs québécoises, c'est méconnaître la réalité de terrain de nos artistes. C'est aussi faire preuve d'une rigidité idéologique qui nuit au dialogue constructif.
Dans ce contexte tendu, la vraie honte ne serait-elle pas de diviser plutôt que de rassembler autour de nos valeurs communes ? De pointer du doigt ceux qui tentent de construire des ponts plutôt que des murs ?
Le débat sur l'identité québécoise et la défense du français mérite mieux que ces escarmouches politiciennes. Il mérite une réflexion nuancée, respectueuse de la complexité de notre réalité culturelle et sociale.