Quand la honte devient l'arme politique du jour
Cette semaine, un mot a résonné avec une force particulière dans nos débats politiques : la honte. Un terme lourd de sens qui révèle les tensions profondes qui traversent notre société québécoise, particulièrement autour de la défense de notre identité et de notre culture.
Deux hontes, deux visions du Québec
D'un côté, François Legault qui qualifie Marc Miller, nouveau ministre fédéral de l'Identité et de la Culture canadiennes, de « honte pour tous les Québécois ». De l'autre, Paul St-Pierre Plamondon qui exprime sa honte face à ce qu'il perçoit comme l'aplaventrisme du milieu culturel québécois.
Tout a commencé par les propos provocateurs de Miller, ce député fédéral de Ville-Marie qui osait déclarer être « tanné de ce débat généralement identitaire » sur le déclin du français. Une déclaration qui sonnait comme un camouflet pour tous ceux qui se battent quotidiennement pour la survie et l'épanouissement de notre langue.
L'attaque surprise contre nos créateurs
Mais c'est la sortie de PSPP contre le milieu culturel qui a véritablement secoué notre écosystème artistique. Le chef péquiste n'a pas hésité à fustiger « la vacuité intellectuelle et l'aplaventrisme d'une partie substantielle du milieu culturel québécois ».
Cette charge d'une rare violence visait des organismes culturels qui avaient simplement fait preuve de politesse élémentaire envers un nouveau ministre. Une courtoisie professionnelle que ces organisations, dépendantes des subventions pour leur survie, se devaient d'observer.
Les contradictions d'un discours politique
L'ironie de cette situation saute aux yeux. Le même PSPP qui reprochait à Magali Picard de la FTQ son manque de décorum face au gouvernement caquiste exige maintenant de nos créateurs qu'ils fassent preuve d'impolitesse envers Ottawa.
Plus troublant encore : le chef péquiste lui-même n'a-t-il pas félicité Donald Trump pour sa victoire électorale ? Personne n'y a vu une compromission de ses idéaux souverainistes. Pourquoi en serait-il autrement pour nos artistes ?
La réalité économique de nos créateurs
Il faut rappeler une vérité fondamentale : nos créateurs québécois vivent dans un écosystème de financement complexe. L'exemple de Pierre Falardeau est éloquent. Ce cinéaste indépendantiste farouche a bénéficié du financement fédéral de Téléfilm pour réaliser ses œuvres engagées, sans jamais renier ses convictions.
Insinuer que nos artistes sont « achetables » pour quelques dollars de subvention, c'est méconnaître leur réalité économique et insulter leur intégrité. Nos créateurs jonglent avec les contraintes budgétaires tout en préservant leur liberté artistique et leurs convictions.
Défendre sans diviser
La défense de notre identité québécoise et de notre francophonie ne peut pas se faire au détriment de ceux qui la portent quotidiennement dans leurs œuvres. Nos artistes et nos organismes culturels sont nos alliés naturels, pas nos ennemis.
Il est légitime d'exiger de nos élus fédéaux qu'ils respectent nos spécificités culturelles et linguistiques. Mais il est contre-productif de s'attaquer à ceux qui font rayonner notre culture, sous prétexte qu'ils naviguent avec pragmatisme dans un système de financement qu'ils n'ont pas choisi.
La véritable honte serait de laisser nos divisions politiques affaiblir le front uni que nous devons présenter pour défendre ce qui nous est cher : notre langue, notre culture, notre identité québécoise distinctive.