L'industrie militaire mondiale engrange des profits records sur le dos des conflits
Les fabricants d'armes n'ont jamais aussi bien fait leurs affaires. Alimentées par les guerres en Ukraine et à Gaza, les ventes des 100 plus grands marchands de mort de la planète ont atteint un sommet historique en 2024, révèle un rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) publié lundi.
Ces chiffres donnent froid dans le dos : 679 milliards de dollars américains de revenus, soit une hausse de 5,9 % en un an. Sur la dernière décennie, ces profits de guerre ont grimpé de 26 %. Pendant que des populations entières souffrent, l'industrie de l'armement se frotte les mains.
L'Europe en tête de cette course macabre
« C'est principalement dû à l'Europe », explique Jade Guiberteau Ricard du programme Dépenses militaires du Sipri. La guerre en Ukraine et la perception de la menace russe ont déclenché une véritable frénésie d'achats militaires sur le Vieux Continent.
Les 26 plus grandes entreprises européennes d'armement ont vu leurs revenus bondir de 13 %, atteignant 151 milliards de dollars. L'exemple le plus frappant ? L'entreprise tchèque Czechoslovak Group, qui a profité de l'Initiative tchèque sur les munitions pour l'Ukraine, enregistrant une hausse phénoménale de 193 %.
Cette situation soulève des questions troublantes sur notre modèle de société. Pendant que les services publics manquent de financement, que nos systèmes de santé peinent à répondre aux besoins, l'argent coule à flots vers l'industrie militaire.
Les géants américains dominent toujours
Sans surprise, les États-Unis restent les maîtres de ce marché sinistre. Trente-neuf des 100 principaux fournisseurs sont américains, avec en tête Lockheed Martin, RTX et Northrop Grumman. Ensemble, les fabricants américains ont engrangé 334 milliards de dollars, soit près de la moitié du marché mondial.
Pourtant, même ces mastodontes font face à des défis. Des dépassements de budget et des retards affectent plusieurs programmes, notamment le chasseur F-35 et les sous-marins de classe Columbia. La machine de guerre américaine n'est pas aussi efficace qu'elle le prétend.
Des chaînes d'approvisionnement bouleversées
L'ironie de la situation ne manque pas : les fabricants d'armes européens, qui s'approvisionnaient en partie en Russie avant 2022, doivent maintenant restructurer leurs chaînes d'approvisionnement. Airbus et Safran, par exemple, dépendaient à 50 % de la Russie pour le titane.
Les restrictions chinoises sur l'exportation de minéraux critiques compliquent encore la donne, forçant des entreprises comme Thales en France et Rheinmetall en Allemagne à revoir leurs stratégies d'approvisionnement.
La Russie tire son épingle du jeu
Malgré les sanctions internationales, les deux fabricants russes du top 100, Rostec et United Shipbuilding Corporation, ont vu leurs revenus combinés exploser de 23 %, atteignant 31,2 milliards de dollars. La demande intérieure compense largement la chute des exportations.
Cependant, l'industrie russe peine à trouver suffisamment de main-d'œuvre qualifiée pour soutenir ses objectifs de production militaire. Même les dictatures ont leurs limites.
L'Asie résiste partiellement
Seule région à contre-courant, l'Asie-Océanie a vu les revenus de ses 23 entreprises d'armement diminuer de 1,2 %. Cette baisse s'explique notamment par des allégations de corruption en Chine qui ont mené au report ou à l'annulation de contrats majeurs.
Une situation qui jette une lumière crue sur les pratiques de cette industrie, où corruption et profits illégitimes semblent monnaie courante.
Israël profite de la tragédie
Particulièrement troublant : les trois entreprises israéliennes du classement ont vu leurs revenus grimper de 16 % à 16,2 milliards de dollars. « Le contrecoup croissant contre les actions d'Israël à Gaza semble avoir eu peu d'impact sur l'intérêt pour les armes israéliennes », note la chercheuse Zubaida Karim.
Cette réalité nous interpelle profondément. Pendant que la communauté internationale condamne les actions à Gaza, l'industrie militaire israélienne prospère. Il y a là une contradiction morale qui devrait tous nous questionner.
Ces chiffres records de l'industrie militaire mondiale nous rappellent une vérité dérangeante : la guerre est devenue un business florissant. Pendant que des millions de personnes souffrent des conflits, d'autres s'enrichissent sur leur malheur. Il est temps de repenser notre rapport à cette industrie de mort et de privilégier les investissements dans la paix, l'éducation et les services publics.