Constitution québécoise : l'ONU saisie d'une contestation majeure
Une coalition de juristes québécois et canadiens, appuyée par plusieurs nations autochtones, vient de porter le projet de constitution du Québec devant l'Organisation des Nations Unies. Cette démarche sans précédent vise à faire retirer complètement le projet de loi 1 de la CAQ, jugé « liberticide et dangereux » pour les minorités.
Une contestation internationale inédite
La section québécoise de la Commission internationale de juristes Canada (CIJ) a officiellement saisi l'ONU pour qu'elle se penche sur ce projet constitutionnel caquiste. Selon ces experts juridiques, l'adoption de cette constitution porterait atteinte aux droits fondamentaux des minorités, des peuples autochtones et au principe même de l'État de droit.
« C'est un projet de loi qui a été élaboré derrière des portes closes sans aucune consultation publique préalable avec aucun groupe de la société », dénonce Stéphane Beaulac, professeur en droit constitutionnel à l'Université de Montréal. Cette façon de procéder constitue déjà, selon le Haut-Commissariat des droits de l'Homme des Nations Unies, une violation des normes internationales.
Les Premières Nations en première ligne
Les risques pour les communautés autochtones sont particulièrement préoccupants. La CIJ déplore que les peuples autochtones soient réduits à de simples « descendants des premiers habitants » du Québec, intégrés de force à la « nation québécoise ». Cette définition réductrice, couplée à la désignation du français et de l'identité québécoise comme seul patrimoine commun, équivaut selon les juristes à un effacement pur et simple des Premières Nations.
L'« indivisibilité » du territoire québécois inscrite dans le projet ignore complètement les spécificités territoriales ancestrales de ces peuples, limitant drastiquement leur pouvoir de contestation et leur autonomie.
Un appui autochtone et juridique massif
Cette initiative bénéficie d'un soutien remarquable. Parmi les appuis notables, on retrouve le chef Innu Jean-Charles Piétacho, le chef Sipi Flamand de la communauté atikamekw de Manawan, et la sénatrice Michèle Audette, Innue et Québécoise. S'ajoutent à cette coalition la Ligue des Droits et Libertés, Amnistie internationale Canada Francophone, Lawyers Without Borders Canada, l'Association des juristes progressistes et l'International Indian Treaty Council en Arizona.
Un mécanisme juridique stratégique
Le recours à l'ONU s'explique par une particularité du droit : contrairement aux tribunaux québécois ou canadiens, les mécanismes internationaux permettent de contester un projet de loi avant même son adoption. La requête, déposée mardi, interpelle une dizaine de rapporteurs spéciaux des Nations Unies pour qu'une enquête soit menée.
Les plaignants s'attendent à un accusé de réception au début de 2026 et à une réponse formelle dans les mois suivants.
Des précédents inquiétants
Ce n'est pas la première fois que des politiques québécoises sont contestées internationalement. En 2023, le rapporteur sur les droits des peuples autochtones avait déjà été alerté des violations potentielles liées au projet de loi 96 sur le renforcement du français.
Plus tôt, en 2007, le rapporteur de l'ONU sur le racisme rappelait qu'une politique visant à « l'imposition de valeurs nationales » correspond à la définition même du racisme.
Quelles conséquences à attendre ?
Bien que l'ONU ne puisse pas supprimer directement la constitution québécoise, une réprimande internationale aurait un impact considérable. « En raison de la gravité de la situation, on s'attend à ce qu'au moins un ou plusieurs rapporteurs répondent », affirme Slava Balan, directeur exécutif de la CIJ-Canada.
Les rapporteurs pourraient adresser leurs préoccupations au gouvernement du Québec dans une lettre formelle, qui sera rendue publique avec la réponse gouvernementale. L'objectif principal reste d'alerter la communauté internationale sur cette violation potentielle des droits humains et de susciter une réaction.
Cette contestation internationale soulève des questions fondamentales sur l'équilibre entre l'affirmation identitaire québécoise et le respect des droits des minorités, particulièrement des Premières Nations qui habitent ce territoire depuis des millénaires.